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un coquin de plus mauvaise mine ; et puis, l’on sait assez que des libertins comme M. Jones ne rougissent point de ces sortes de choses. »

Dans le vrai, la conduite de Partridge n’étoit guère excusable ; mais il n’avoit pas fini de cuver la liqueur qu’il avoit bue la veille au soir, et à laquelle il avoit ajouté le matin une pinte de vin, ou plutôt d’eau-de-vie ; car le poiré donné par l’hôtesse pour du vin de champagne, n’étoit rien moins que pur. Cet excès de boisson spiritueuse, en troublant sa foible raison, avoit ouvert les écluses assez mal fermées de son cœur, et tous les secrets qu’il renfermoit s’en étoient échappés soudain. Rendons toutefois justice à sa probité naturelle. On ne pouvoit lui contester le titre d’honnête homme. S’il étoit d’une excessive curiosité et sans cesse occupé à dérober les secrets des autres, il leur communiquoit fidèlement, en revanche, tous les siens.

Tandis que Sophie, en proie à la plus douloureuse anxiété, ne savoit que croire, ni que résoudre, Susanne entra avec une tasse de sack-whey. Honora conseilla tout bas à sa maîtresse d’interroger cette fille, qui pourroit probablement l’instruire de la vérité. Sophie approuva cette idée. « Approchez, mon enfant, dit-elle à Susanne, répondez avec franchise à la question que je vais vous faire, et je vous promets de vous