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que vos yeux m’ont fait. » Puis poussant un profond soupir et s’emparant de sa main, il se répandit pendant quelques minutes en discours qui ne seroient guère plus agréables au lecteur qu’ils ne le furent à Sophie. Il finit par lui déclarer que, s’il étoit maître du monde, il le mettroit à ses pieds.

Sophie retira vivement sa main de la sienne : « Et moi, monsieur, s’écria-t-elle d’un ton plein de fierté, je vous proteste que je repousserois avec un égal mépris et le présent et celui qui me l’offriroit. »

Elle voulut sortir ; le lord la retint par la main : « Pardonnez-moi, dit-il, ange du ciel, pardonnez-moi une hardiesse où le désespoir seul a pu me porter. Ah ! si j’avois osé me flatter que vous daignassiez agréer un titre et une fortune qui, bien qu’inférieurs à votre mérite, ne sont point à mépriser, je vous en aurois fait humblement l’hommage ; mais je ne saurois me résoudre à vous perdre, non, j’aimerois mieux perdre la vie. Vous êtes, vous devez être, vous serez à moi.

— Milord, renoncez, je vous prie, à de vaines prétentions. Je n’entendrai pas un mot de plus. Laissez ma main, milord, je suis décidée à vous quitter sur-le-champ, et à ne vous revoir jamais.

— Eh bien, mademoiselle, il faut que je pro-