Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 4.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

gentilshommes campagnards : pour parler sans figure, il étoit ivre. Son impétuosité naturelle, redoublée par l’effet du vin, le fit courir aussitôt vers sa fille. Dans sa fureur, il l’accabla des plus grossières injures ; peut-être même l’eût-il frappée, si le ministre Supple ne se fût jeté entre elle et lui, en s’écriant : « Au nom de Dieu, monsieur, songez que vous êtes dans la maison d’une dame de distinction. Calmez-vous, je vous en conjure ; vous devriez être pleinement satisfait d’avoir retrouvé votre fille. Ce n’est pas à nous, c’est au ciel qu’appartient la vengeance. Je remarque sur le visage de la jeune personne une véritable contrition. Je suis sûr que si vous daignez lui pardonner, elle se repentira de ses fautes passées et rentrera dans le devoir. »

La force physique du ministre avoit d’abord été plus efficace que son éloquence. Toutefois ses dernières paroles firent quelque impression sur l’écuyer. « Eh bien ! dit-il, je lui pardonnerai, si elle consent à l’épouser. Oui, Sophie, je te pardonnerai tout, si tu consens à l’épouser. Tu ne réponds rien ? L’épouseras-tu ? Dis-moi, de par tous les diables, l’épouseras-tu ? Pourquoi ne réponds-tu pas ? A-t-on jamais vu une créature si obstinée ?

— De grace, monsieur, répliqua le ministre, un peu plus de modération, s’il vous plaît. Vous