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Moi, vous suivre ? j’aimerois autant suivre le diable… Eh mais, c’est peut-être lui-même ; car il prend, à ce qu’on assure, toutes les formes qu’il veut… Oh ! le voici encore !… »

Quand Hamlet dit au fantôme : « Je n’irai pas plus loin. » « Il a bien raison, reprit Partridge ; il a déjà été assez loin, plus loin que je n’irois pour tous les trésors de la terre. »

Jones voulut parler : « Paix ! paix ! mon cher monsieur, s’écria Partridge, ne l’entendez-vous pas ? » Et pendant tout le discours du fantôme, il demeura immobile, la bouche béante, les yeux fixés tantôt sur le fantôme, tantôt sur Hamlet, éprouvant tour à tour les diverses émotions qui se succédoient dans l’ame du prince.

Lorsque la scène fut finie, Jones lui dit : « Ma foi, Partridge, tu surpasses mon attente. Tu jouis plus du spectacle que je ne le croyois possible.

— Monsieur, répliqua le pédagogue, si vous n’avez pas peur du diable, tant mieux pour vous. Convenez pourtant qu’il est bien naturel d’être surpris de pareilles choses, quoiqu’on sache qu’elles n’ont rien de réel. Ce n’est pas non plus le fantôme qui m’a effrayé. Je me suis bientôt aperçu que ce n’étoit qu’un personnage vêtu d’une manière bizarre ; mais quand j’ai vu le petit acteur si effrayé lui-même, j’avoue que sa peur m’a gagné.