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dicté par la colère, ou du billet inspiré par l’amour. Il est certain qu’il n’existoit qu’une seule personne à qui notre ami eût un vif désir de rendre visite ce soir-là ; mais il croyoit son honneur engagé ; et quand ce motif n’auroit pas été suffisant, il n’osoit courir le risque d’exciter chez lady Bellaston une fureur dont il la jugeoit trop capable, et d’où pouvoit résulter la découverte d’un mystère qu’il avoit tant d’intérêt de cacher à Sophie.

L’esprit agité et mécontent, il fit plusieurs tours dans sa chambre ; comme il alloit sortir, il en fut empêché, non par une nouvelle lettre, mais par l’arrivée de l’obligeante lady. Elle entra, les yeux égarés, ses vêtements en désordre, se jeta sur un fauteuil, et dès qu’elle eut repris haleine : « Vous le voyez, monsieur Jones, dit-elle, quand les femmes ont franchi certaines bornes, elles n’en connoissent plus aucune. Si l’on m’eût prédit, il y a huit jours, que je ferois une pareille démarche, je ne l’aurois pas cru possible.

— J’espère, répondit Jones, que ma charmante lady Bellaston n’aura pas moins de peine à se persuader qu’un homme si sensible à ses bienfaits puisse avoir des torts envers elle.

— Si sensible à mes bienfaits ! je n’attendois pas de M. Jones ce froid langage.

— Pardonnez-moi, chère milady, si après les