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L’écuyer Western, dans le premier trouble où le jetèrent les nouvelles inopinées que mistress Fitz-Patrick lui donna de sa fille, et dans son empressement à courir après elle, oublia complètement d’instruire M. Blifil de la découverte qu’il venoit de faire. Mais il n’alla pas loin sans s’apercevoir de son inadvertance ; et s’arrêtant à la première auberge qui s’offrit à lui sur la route, il dépêcha un exprès à Blifil pour le prévenir qu’il avoit retrouvé Sophie, et qu’il étoit fermement décidé à la lui faire épouser sur-le-champ, s’il vouloit venir le rejoindre à Londres.

Comme l’amour dont Blifil brûloit pour Sophie ne pouvoit être refroidi que par la perte de sa fortune, ou par quelque accident semblable, sa fuite, quoiqu’il eût à se reprocher d’en être la cause, n’avoit point affoibli en lui le désir d’obtenir sa main. Il accepta en conséquence de grand cœur l’offre de l’écuyer. En épousant Sophie, il se proposoit de contenter, outre son penchant à l’avarice, une autre passion très-forte, celle de la haine ; car il pensoit que le mariage fournit le moyen de satisfaire la haine aussi bien que l’amour : et de nombreuses expériences semblent confirmer la justesse de son opinion. Si l’on considère en effet la conduite que tiennent d’ordinaire entre eux les gens mariés, peut-être sera-t-on disposé à croire qu’en général on ne cherche