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et je vous prie instamment de rendre cette lettre à celui qui vous l’a remise. »

Mistress Miller tombant à genoux, la supplia dans les termes les plus pathétiques de n’être point inexorable.

« Madame, lui dit Sophie, il est étonnant que vous preniez à ce jeune homme un si vif intérêt. Je ne voudrois pas croire…

— Non, madame, vous ne croirez que la vérité ; je vous dirai tout, et vous ne vous étonnerez plus de l’intérêt qu’il m’inspire. C’est le meilleur jeune homme qui existe. » Elle lui raconta l’histoire de M. Anderson et ajouta : « Ce n’est là qu’un trait de sa bonté. Je lui ai de bien plus grandes obligations. Il a sauvé ma fille. » Ici elle répandit quelques larmes et entra dans les détails de cette dernière action, supprimant seulement les circonstances qui auroient compromis l’honneur de Nancy. « Jugez à présent, madame, dit-elle, jugez si je puis assez reconnoître la générosité, la grandeur d’ame de ce jeune homme. »

L’extrême pâleur répandue jusqu’ici sur le visage de notre héroïne, fit place en ce moment à une couleur plus vive que le vermillon. « Je ne sais que vous répondre, dit-elle. Sans doute on ne peut blâmer le sentiment de la reconnoissance ; mais qu’importe à votre ami que je lise cette lettre, puisque je suis décidée à ne jamais… »