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larmes que fait couler le repentir et qui effacent les fautes auxquelles se laissent quelquefois entraîner les meilleurs naturels, par séduction ou par surprise, tant est grande la foiblesse humaine ! Les larmes de Blifil étoient celles que la douleur physique arrache à un barbare, ou que verse un brigand effrayé qu’on mène au supplice.

Une peinture exacte de cette scène seroit peu agréable au lecteur. Il suffira de dire que Jones poussa la bonté jusqu’à l’excès. Avant d’annoncer à Blifil que son oncle lui ordonnoit de sortir le soir même de la maison, il employa tous les moyens qu’il crut propres à ranimer ses esprits abattus. Il lui offrit l’argent dont il pouvoit avoir besoin, l’assura d’un sincère oubli de ses torts, promit de le traiter en frère, et de ne rien négliger pour le réconcilier avec son oncle.

Blifil garda d’abord un morne silence, incertain s’il persisteroit dans ses dénégations ; mais écrasé sous le poids de l’évidence, il se décida enfin à tout avouer. Il demanda pardon de la manière la plus humble à son frère, se prosterna contre terre, embrassa ses genoux ; en un mot il se montra aussi vil, aussi lâche qu’il avoit été pervers.

Tant de bassesse inspira à Jones un mépris qu’il ne put entièrement dissimuler. Il s’empressa de relever Blifil, l’exhorta à supporter son mal-