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Il se présenta donc le lendemain matin chez Sophie, et lui dit après les compliments d’usage, qu’il espéroit que l’aventure de la veille n’avoit point eu de suites fâcheuses pour elle.

L’amour est un feu qui, une fois allumé, prend un rapide accroissement. En peu d’instants, le noble lord devint éperdûment épris de Sophie. Il se sentit retenu près d’elle par un invincible attrait. Sa visite duroit déjà depuis deux heures, avant qu’il lui vînt à l’esprit qu’elle avoit été trop longue. Cette circonstance auroit suffi pour alarmer notre héroïne qui calculoit avec plus de justesse la marche du temps ; mais les regards du lord l’instruisirent encore mieux de ce qui se passoit dans son cœur. Quoiqu’il ne lui déclarât point ouvertement sa passion, il se servit d’expressions si vives, si tendres qu’on n’auroit pu les attribuer à la galanterie, dans le siècle même où elle régnoit ; et l’on sait qu’elle est bien passée de mode aujourd’hui.

Lady Bellaston avoit été avertie sur-le-champ de l’arrivée du lord. La longueur de sa visite lui persuada que les choses alloient au gré de ses souhaits, et la confirma dans l’idée qui lui étoit venue, dès la seconde fois qu’elle l’avoit vu avec Sophie. En femme prudente, elle jugea que son intervention étoit inutile au succès de l’affaire. Elle se borna donc à donner l’ordre de ne pas laisser