Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/144

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Un squelette gravé en creux et tenant un phylactère dans chaque main, occupe presque toute la hauteur de la pierre ; il est recouvert depuis la poitrine jusqu’aux genoux d’un cartouche oblong. Bordure, cartouche et phylactère étaient jadis en cuivre ; le squelette était de marbre blanc. Les matières précieuses ont été arrachées par les iconoclastes du XVIe siècle. De ce qui était jadis le tombeau de Hubert Van Eyck il ne reste plus que ce bloc d’ardoise sans séduction d’art et qu’anime seul le prestige d’un nom illustre. Une enquête instituée par les archéologues gantois a établi que cette pierre était bien le monument funéraire de l’ainé des Van Eyck. Dépouillée de ses ornements par les briseurs d’images, mise au rebut en 1589, non réclamée par les héritiers, elle fut employée en 1769 dans les constructions du portail septentrional de Saint-Bavon. Ce portail fut démoli en 1892 et la pierre reparut. M. Mortier la reconnut en 1895 et obtint son entrée au musée lapidaire. Ce qu’il y avait de plus important dans ce tombeau, c’était l’épitaphe gravée sur les cartouches de cuivre que tient le squelette. Le texte nous en est conservé par le célèbre chroniqueur gantois Van Vaernewyck dans son Spieghel der Nederlandsche audtheydt. C’est une sorte de vieux poème flamand qui perdra forcément dans ma traduction sa saveur naïve et réaliste.

Mire-toi en moi, toi qui foules ma poussière
J’étais comme toi. Maintenant je suis ci-dessous,
Enterré, mort, tel que tu me vois.
Ni conseils, ni science, ni médecine ne me secoururent ;
Art, honneur, sagesse, puissance, grande richesse !
Tout est vain quand vient la Mort !
Hubrecht Van Eyck est mon nom.
Maintenant proie des vers. Autrefois renommé,
En peinture hautement honoré.
Bientôt après, ce peu de chose retourna au néant.

En l’an du Seigneur, sois en certain,
Mille quatre cent vingt-six
Au mois de septembre, le dix-huitième jour tombait,
Lorsque, dans la souffrance, je rendis mon âme à Dieu !
Priez Dieu pour moi, vous qui aimez l’Art,
Que je puisse contempler sa face.
Fuyez le péché, tournez vous vers le bien
Car tôt ou tard m’aurez à suivre.