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l’opinion de Waagen[1] qui reconnaît saint Michel complétant ainsi le trio des patrons de nos gildes flamandes.

Il est vain de vouloir identifier les autres Chevaliers. Waagen et de Bast y découvraient Godefroid de Bouillon, Tancrède et Robert de Flandre, Baudouin de Constantinople, saint Louis. Pour M. Six[2] les personnages qui viennent au second rang seraient les trois preux : Charlemagne au fond, Godefroid de Bouillon sur un mulet blanc et sans doute le Roi Arthur devant. Ayant constaté que le chaperon bleu du Chevalier dont on ne voit que les yeux et le nez, est un repeint ou repentir qui cache le relief d’une couronne, M. Six voit dans ce personnage le duc de Bourgogne, Jean sans Peur, coiffé de l’insigne des Bourguignons en lutte avec les d’Armagnacs. Jean sans Peur s’était battu contre les infidèles en 1396 ; le peintre l’aurait glorieusement couronné ; le duc par humilité aurait demandé qu’on remplaçât sa couronne par le chaperon…

Les couronnes et les coiffures des Chevaliers ne révèlent rien de précis en réalité. Sans doute, il est aisé de reconnaître dans certaines couronnes des ornements propres aux empereurs et aux rois ; mais la haute couronne fermée et le cercle fleurdelisé appartiennent-ils bien exclusivement comme on serait tenté de le croire, à l’empereur d’Allemagne et au roi de France ? Il faut bien admettre, étant donné la part d’imagination que révèlent d’autres accessoires — architecture, instruments, etc. — qu’une notable partie des sujets du Retable est traitée d’une façon théorique. La haute couronne fermée pourrait ici synthétiser en un seul schéma les Empires d’Occident et d’Orient. Quant à la couronne fleurdelisée, elle était encore à l’époque des Van Eyck, et même postérieurement, commune aux autres souverains de l’Europe, bien qu’ils eussent souvent modifié la forme des fleurons, ainsi que nous l’apprennent leurs sceaux. Enfin les coiffures des autres Chevaliers offrent des types qui font penser aux puissants de l’Occident — aux ducs de Bretagne par exemple — en même temps qu’à ceux de l’Orient, sans qu’on puisse rien identifier d’une manière certaine. Il semble donc impossible de reconnaître des figures déterminées, des personnalités mondaines dans le sens restrictif du mot.

Il en est de même en ce qui concerne les Juges Intègres. Considérez, dit Lucas de Heere[3],

  1. Manuel de l’Histoire de la Peinture, p. 93. M. Six (art cité, Gazette des Beaux arts, mars 1904) y voit saint Martin.
  2. Art. cit. Gazette des Beaux-Arts, 1904.
  3. Livre des Peintres éd. Hymans p. 35.