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Les études de Courajod ont eu particulièrement pour objet la sculpture. Il reconnut les premiers symptômes du Renouveau dans les monuments funéraires. La figure jusque là impersonnelle du gisant devint un portrait. Pour perpétuer le mort on fit appel à la vie. Rien n’était changé aux traditions ; seule la face empruntait une beauté plus réelle à la créature vivante. Le premier portrait apparaît avec la statue de Philippe III exécutée par les imagiers Pierre de Chelles et Jean d’Arras. S’ils ne sont point belges, ils sont gens du Nord. Tout de suite d’ailleurs, à leurs côtés, nous trouvons, à Paris même, un sculpteur autrement puissant et qui est bien des nôtres : c’est Jean-Pépin de Huy — parfois appelé Pépin de Huy, Jean de Huy ou de Wit.[1] Il s’intitulait tombier et bourgeois de Paris. Ses clients étaient de choix. Il exécuta un grand nombre d’ouvrages en albâtre que polychromaient les peintres en vogue. Ses principales œuvres funéraires lui furent commandées par la comtesse Mahaut d’Artois. En 1311 il sculpta le tombeau d’Othon comte de Bourgogne, mari défunt de la comtesse. Le monument était en albâtre et le socle s’animait de pleureurs, comme on en verra plus tard autour des célèbres tombeaux de Dijon. En 1315 maître Jean de Huy exécuta la tombe de Jean d’Artois et en 1317 celle de Robert d’Artois, tous deux fils de la comtesse Mahaut. Le mausolée de Robert placé autrefois dans l’église des Cordeliers de Paris, est aujourd’hui conservé dans l’église de Saint-Denis. Jean de Huy y travailla avec d'autres sculpteurs de 1328 à 1330. On ne sait ce qu’est devenue une armature de fer surmontée d'un dais qui protégeait autrefois le tombeau. Celui-ci se compose actuellement d’une simple dalle et de l’effigie du mort. Robert d’Artois respire une exquise pureté de fleur chevaleresque exhalant un parfum suprême avant de mourir. L’art gothique se serait reconnu dans l’idéalité pieuse du gisant, dans la large simplification des mains jointes, dans le bouclier fleuri de lis royaux, dans la cotte d’armes engainant de plis rigides une longue chemise de mailles. Mais les traits juvéniles de la face correspondent à l’âge du défunt ; des boucles fines, réelles, encadrent la tête d’une coupe à la mode. C’est un timide essai ; la francisation du maître est trop puissante ; son émotion ne peut que balbutier les mots nouveaux. L’œuvre néanmoins est la plus belle que montre le premier tiers du siècle précurseur. Et comme pour souligner ce que ce premier courant doit aux provinces septentrionales, il se trouve que l’étoffage polychrome d’un

  1. Cf. J.-M. Richard. Mahaut comtesse d'Artois etc. Paris, 1887, 8°, p. 312 et suiv. ; et Courajod. Leçons, T. II, p. 36 et suiv.