Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/62

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artificielle de plis fluides multipliant à gauche leurs ondes serpentines, tous ces éléments trahissent un artiste nourri de la tradition française.

Il en fut de Beauneveu comme de Jean-Pépin de Huy, de Jean de Liège ; ils se francisèrent dans une large mesure. Ces enroulements mièvres et charmants de l’étoffe sont une création des imagiers parisiens remplaçant la convention gothique par une autre. On retrouve ces mêmes volutes dans les miniatures de Beauneveu. On les constate même dans la statue de Charles V. Comment le maître de Valenciennes manifestait-il son individualité parmi ces traditions ? En créant des portraits quand il s’agissait de représenter des contemporains, et des figures idéales quand il sculptait des Vierges et des Saintes, — lesquelles gardaient tout de même une robustesse, une réalité tout à fait remarquables dans la structure générale, si nous pouvons choisir pour type la sainte Catherine. Ce marbre, je ne saurais assez y insister, est un exceptionnel chef-d’œuvre. Aucun critique ne le conteste, ni Courajod, ni M. Gonse qui le trouve supérieur aux autres créations du maître, ni M. Kœchlin qui voit en lui « le chef-d’œuvre incontestable de la statuaire belge au XIVe siècle. »[1] Nous ne lui connaissons à cette époque aucun morceau rival sur notre sol. Il est d’un maître au dessus duquel sûrement « n’avait pour lors meilleur ni le pareil en nulles terres ». S’il n’est de Beauneveu, quel est donc le mystérieux génie qui « œuvra » pour la chapelle des Comtes en même temps que maître André ? Qu’on le découvre. Nous nous en réjouirons tous. Notre opinion ne changera point sur la merveilleuse statue et nous constaterons que le bon Froissart gasconnait un peu en faisant du sculpteur de Jean de Berry le plus grand tailleur d’images de son temps.

Il ne reste rien des sculptures exécutées par Beauneveu à Mehun-sur-Yèvre, rien de ses peintures monumentales, mais nous avons de lui des miniatures authentiques dont je reparlerai.

Passons à la peinture et remontons au commencement du XIVe siècle. À ce moment l’italianisme, où s’épanouissaient les fleurs suprêmes de l’idéal gothique, menace une première fois la France. Une seule influence dans le domaine de la peinture combat l’esthétique méridionale et ce courant contradictoire vient du pays flamand. Parmi les rares documents d’archives concernant la peinture de ce temps les plus importants nous

  1. Op. cit. p.19.