Page:Fierens-Gevaert, La renaissance septentrionale - 1905.djvu/82

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res différentes dans les registres bourguignons : Celoistre, Celestre, Celeutre, Celustre, Slustre, Seluter, Slutre, Sluter. La vraie orthographe, dit Mgr Dehaisnes, est Sluter. Sur une quittance conservée dans les archives de la Côte d’Or figure le sceau de l’artiste qui présente « un écu en pointe dont le champ offre une clef ouvragée avec deux oiseaux fantastiques pour supports et au-dessus les mots Claus Sluter ; la clef est une armoirie parlante, le mot Sluter signifie clef en flamand. »[1] Nous ferons remarquer toutefois que l’orthographe du mot clef en flamand est sleutel ; c’est en vertu de la loi du moindre effort que certains patois changent la syllabe tel en ter. Quant au prénom Claes, — c’est un diminutif de Nicolas. Ici encore l’action des patois est intervenue pour changer la diphtongue ae en au. Claes est devenu Claus — et les scribes bourguignons ont écrit le prénom du grand homme vraisemblablement comme Sluter le prononçait.

L’artiste paraît pour la première fois dans les comptes du duc de Bourgogne en 1381, époque à laquelle il entre dans l’atelier de Jean de Marville. Son salaire était de deux francs par semaine ! Et seuls les ouvriers très habiles pouvaient prétendre à de tels gages. Ce régime dura jusqu’à 1389, pendant huit ans. Pourtant dès l’année 1380 Sluter avait été employé aux travaux de la Chartreuse et l’on peut supposer que tout de suite sa supériorité avait attiré l’attention de Monseigneur. À la mort de Jean de Marville, c’est sans hésitation sûrement que le duc de Bourgogne conféra à Sluter le titre de « varlet de chambre et tailleur d’ymages. » Nous avons des preuves nombreuses de l’affection du duc Philippe pour le grand sculpteur et l’on attendra jusqu’à Jean van Eyck pour rencontrer un artiste si amicalement traité par son prince. À peine avait-il achevé la sainte Catherine et le saint Jean du Portail que le duc son maître lui fournissait des fonds pour aller étudier à Mehun-sur-Yèvre les travaux d’André Beauneveu et nous aurons à examiner jusqu’à quel point l’art du maître imagier de Jean de Berry a pu agir sur le génie naissant du grand sculpteur hollandais.

Sluter jouissait du droit de sceau, prérogative en quelque sorte aristocratique ; on lui permettait de faire achat de pierres et de matériaux divers au nom du duc et de donner quittance légale aux vendeurs ; il avait un valet ouvrier et un valet avec cheval ; on mit à sa disposition au centre du vieux

    taphe de van de Werve se contredit, car si Hathem est situé en Gueldre, l’épitaphe le dit en Hollande, ce qui est inexact. Enfin la prononciation du nom prouve pour la Hollande contre la Gueldre. » Lettre de M. Six à l’auteur.

  1. Histoire de l’Art, p. 524.