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Nos bourgeois et nos marchands, dès le XIVe siècle, ont étalé leur faste traditionnel et nos archives énumèrent leurs tapisseries, leurs vases d’or et d’argent. Nos seigneurs, de leur côté, menaient grand train : épées, calices, châsses, coupes, missels, sceaux s’accumulent dans les inventaires de leurs biens. Il va sans dire que si des artistes « belges » émigrent à Paris, il en est qui brillent dans le pays même. On en rencontre à Tournai, Ypres, Bruges. Ce sont nos maîtres qui instituent les premières corporations artistiques. Quelques noms de peintres nous sont conservés. Jean de Woluwe est au service de Jeanne et Wenceslas de Brabant ; Jean de Hasselt travaille pour Louis de Mâle ; Melchior Broederlam pour Philippe le Hardi ; Jacques Cavael pour la ville d’Ypres. — Melchior Broederlam, dessinateur industriel, décorateur de bannières et peintre de retables, domine ces maîtres du terroir. Son atelier est même si réputé qu’un élève lui vient de loin. En 1399 il termine le célèbre « taveliau d’autel » que Philippe le Hardi lui avait commandé pour la Chartreuse de Champmol, nécropole des ducs de Bourgogne, et qui représente la Salutation angélique, la Visitation, la Présentation au temple, la Fuite en Égypte. Conservée au Musée de Dijon, l’œuvre est celle qui donne l’idée la plus complète et la plus poétique de l’école septentrionale à la fin du XIVe siècle ; c’est aussi le chef-d’œuvre de la peinture flamande avant les van Eyck, le signe heureux des grandeurs futures de notre art. Or, non seulement les éléments du paysage (coupoles, portiques, rochers, castels) sont empruntés à l’Italie, mais encore le dessin souple, les draperies fluides, les colorations tendres. Pour être cosmopolite, la peinture septentrionale de la fin du quatorzième siècle n’en est pas moins une expression — affaiblie — de l’art souverain et profond qu’est la peinture italienne du trecento. Dans le retable de Broederlam, seul le saint Joseph de la Fuite en Égypte respire une bonhomie populaire et démocratique où perce l’accent natal du maître.

Quelques miniaturistes flamands et wallons ont occupé une place éminente dans cet art cosmopolite, et c’est chez eux que l’on saisit le mieux les progrès des tendances réalistes qui aboutiront à l’art des van Eyck. Jean de Bruges, nommé peintre de Charles VI en 1373, se révèle portraitiste exact et nullement courtisan dans le profil pointu de son maître qu’il peignit sur le premier feuillet de la Bible royale (Musée Westreenen, à La Haye). André Beauneveu, artiste universel, sculpteur de tombes, imagier, peintre, miniaturiste, enlumineur de statues, natif, semble-t-il, de Valenciennes, et chanté par Froissart, est un éclectique qui, à travers une noblesse et une grâce parfois mièvres acquises au contact des maîtres parisiens, affirme une nature violente et populaire. Son Psautier de Paris montre des personnages aux têtes réelles, assis sur des sièges italiens, enveloppés de manteaux où s’accumulent les