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que celle-ci présente à l’action du feu. Dans la chaudière de Stephenson, cette surface était insuffisante, car le foyer, placé dans l’axe de la chaudière, ne pouvait agir que sur la partie cylindrique qui l’enveloppait. Le problème du perfectionnement des locomotives consistait donc à accroître la quantité de vapeur fournie par le générateur, sans augmenter ses dimensions au delà de certaines limites.

M. Séguin donna une solution des plus extraordinaires et des plus brillantes de cette grave difficulté. Il fit traverser la chaudière par une certaine quantité de tubes d’un petit diamètre, dans l’intérieur desquels venaient circuler l’air chaud et la fumée qui s’échappaient du foyer. La surface offerte à l’action du feu devenait ainsi infiniment considérable : avec un générateur de dimensions ordinaires, on pouvait offrir une surface de plus de 150 mètres à l’action de la chaleur. L’air chaud, traversant ces tubes, vaporisait rapidement l’eau qui remplissait leurs intervalles, et provoquait, dans un temps très-court, le développement d’une énorme quantité de vapeur.

Les chaudières des premières locomotives de M. Séguin contenaient quarante-trois de ces tubes ; on ne tarda pas à les porter jusqu’à soixante-quinze, et plus tard jusqu’à cent, et même cent vingt-cinq.

Il restait cependant une autre difficulté à surmonter. On ne pouvait employer sur les locomotives, que des cheminées d’une hauteur médiocre, car les longues cheminées en usage dans nos usines, pour activer la combustion, auraient compromis la stabilité de tout le système, et obligé d’accroître au delà de toute proportion raisonnable, les dimensions des ponts et des souterrains traversés par les convois. Or, il était à craindre qu’avec de courtes cheminées, le tirage ne s’établît qu’avec beaucoup de peine au milieu de cette longue série de tubes étroits traversés par le courant d’air chaud. M. Séguin surmonta cette difficulté en disposant devant le foyer, un ventilateur, destiné à provoquer un tirage artificiel. Ce ventilateur, mis en mouvement par la machine elle-même, fut d’abord placé sous le foyer ; on le transporta ensuite dans la cheminée.

« Le plus grand obstacle que j’entrevoyais, dit M. Séguin aîné[1], à l’accomplissement de mon projet, était la faculté de parvenir à obtenir, dans le foyer, un courant d’air assez fort pour déterminer les produits de la combustion à passer au travers des tubes qui remplaçaient la cheminée de la chaudière. Je craignais que la faiblesse de leur diamètre, en augmentant les surfaces, ne causât assez de retard dans la marche de l’air pour anéantir entièrement le tirage. Il fallait donc avoir recours à un moyen d’alimentation artificielle absolument indépendant du tirage de la cheminée. C’est ce que j’obtins au moyen des ventilateurs à force centrifuge ; après quelques essais, je parvins à produire jusqu’à 1 200 kilogrammes de vapeur à l’heure, en employant des chaudières de 3 mètres de longueur sur 0m,80 de diamètre, renfermant 43 tuyaux de 0m,04 de diamètre. »

M. Marc Séguin obtint en France, au mois de février 1828, un brevet d’invention pour ses chaudières tubulaires, et en décembre 1829, un autre brevet pour son ventilateur mécanique. Mais ce ventilateur était peu commode et entraînait divers inconvénients.

L’important problème d’activer le tirage de la cheminée des locomotives, trouva bientôt une solution infiniment plus heureuse. Au lieu de provoquer le tirage par un ventilateur, on dirigea dans l’intérieur du tuyau de la cheminée, la vapeur à haute pression qui s’échappe des cylindres, après avoir produit son effet mécanique, vapeur que l’on avait jusque-là rejetée dans l’atmosphère.

Ce moyen active le tirage du foyer parce que l’air du tuyau, sans cesse entraîné par le jet de vapeur, est remplacé aussitôt, par l’air qui arrive du foyer. La vapeur qui s’échappe, exerce donc sur l’air du foyer une sorte d’aspiration, qui produit un tirage d’une très-grande énergie. On appelle tuyau soufflant le tube qui injecte dans les cheminées la vapeur sortant des cylindres.

Il est impossible de connaître exactement

  1. De l’influence des chemins de fer, et de l’art de les tracer et de les construire, in-8o, p. 429.