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assez pour que les mathématiciens aient pu constater que la méthode qu’il a suivie n’était qu’une sorte de tâtonnement empirique, un essai de nombres plutôt qu’un calcul méthodique et rigoureux.

Dans les premiers temps de la découverte, Arago proposa de donner à l’astre nouveau le nom de Planète Le Verrier ; il pensait qu’il était bon d’inscrire ce nom dans le ciel pour rappeler le géomètre qui avait si admirablement étendu les bornes de nos moyens d’exploration. Cependant le nom de Neptune a prévalu, et il est aujourd’hui définitivement adopté, pour ne pas rompre l’uniformité des dénominations astronomiques.

Nous n’avons pas besoin de dire que tous les astronomes, et notamment ceux qui possédaient de puissantes lunettes, s’empressèrent d’observer Neptune et d’étudier sa marche. Aussi l’on ne tarda pas à annoncer que cette planète est accompagnée d’un satellite ; il avait été découvert par M. Lassell, riche fabricant de Liverpool, qui consacre ses loisirs et sa fortune à des observations astronomiques. C’est avec un télescope dont le miroir a deux pieds d’ouverture et vingt pieds de longueur focale, et qu’il a construit de ses mains, que M. Lassell a observé ce nouveau corps qui circule autour de la planète dans un intervalle d’environ six jours.

D’après les données les plus récentes de l’observation, le diamètre de Neptune est de dix-sept mille trois cents lieues. Son volume est donc environ deux cents fois celui de la terre, et il peut être vu avec un télescope d’une force très-médiocre. Sa vitesse moyenne, de quatre mille huit cents lieues par heure, est six fois moindre que celle de la terre. Il décrit autour du soleil une ellipse presque circulaire avec une vitesse linéaire d’une lieue et un tiers par seconde ; la durée de sa révolution est d’environ cent soixante-six ans, et sa distance moyenne au soleil est trente fois plus grande que celle de la terre, c’est-à-dire de douze cents millions de lieues. Enfin, il est, dit-on, pourvu, comme Saturne, d’un anneau ; mais l’existence de cet anneau est problématique ; il se pourrait que ce ne fut là qu’une pure illusion d’optique dont les meilleurs télescopes ne sont pas toujours exempts.

Ici se terminerait l’histoire de la découverte mémorable qui vient de nous occuper si, vers la fin de l’année 1848, un académicien n’était venu soulever, au sein de l’Institut, une discussion, nullement sérieuse au fond, mais qui, mal comprise ou défigurée, jeta inopinément dans le public, sur la découverte de l’astronome français, certains doutes qu’explique aisément l’ignorance générale en pareille matière. Voici quelle fut l’origine de cette controverse.

Dès que la planète Neptune fut signalée aux astronomes, on s’occupa de l’observer et de fixer ses éléments par l’observation directe. On ne surprendra personne en disant que l’orbite de la planète nouvelle ayant été calculée d’après l’observation, ses éléments présentèrent quelques désaccords avec ceux que M. Le Verrier avait déduits à priori du calcul avant que l’astre fût aperçu. Ce désaccord était d’ailleurs assez faible et infiniment au-dessous de la limite des erreurs auxquelles on pouvait s’attendre. Cependant M. Babinet crut pouvoir se fonder sur ces différences pour admettre que la planète nouvelle ne suffisait pas pour rendre compte des anomalies d’Uranus. Il rechercha si l’on ne pourrait pas les expliquer, non plus par la seule influence de Neptune, mais par l’action de cette planète réunie à celle d’une seconde

    terme de l’inégalité sera probablement analogue à celui qui représente la variation de la lune, c’est-à-dire dépendra de sin (V — V′)…… »

    Ainsi, l’un des astronomes les plus habiles de l’Europe, quoique en possession du travail de M. Adams, ne croyait pas qu’une planète extérieure pût expliquer les anomalies d’Uranus. « En faut-il davantage, dit Arago, pour établir que le travail en question ne pouvait être qu’un premier aperçu, qu’un essai informe, auquel l’auteur lui-même, pressé par la difficulté de M. Airy, n’accordait aucune confiance ? »