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remplis de coton-poudre comprimé et humide. L’obus décrit alors une trajectoire parabolique ; il tombe presque verticalement, s’enfonce dans le sol, et éclate, en soulevant, avec une violence incomparable, la terre, les pierres, tout ce qu’il heurte sur son passage et qu’il a laissé au-dessus de son parcours.

Les Américains ont imaginé, pour tirer des obus chargés de dynamite, le canon pneumatique, imité du canon accélérateur de Lymann-Haskell, et qui se compose d’une succession de poches, communiquant avec l’âme du canon par une gorge cylindrique. Ces poches sont emplies de dynamite, qui s’enflamme par les gaz surchauffés, au fur et à mesure du passage du projectile. On obtient ainsi une accélération de vitesse constante, jusqu’à ce que le projectile soit sorti du canon, et l’on évite que la charge de dynamite fasse explosion dans l’âme de la pièce.

L’accélération constante, c’est l’idéal de l’artilleur, et le fait est qu’aux premières expériences, un de ces projectiles, lancé par un canon Withworth, traversa, à 180 mètres de la bouche à feu, une plaque en fer, de 127 millimètres d’épaisseur. Après avoir accompli ce quasi-prodige, l’obus parcourut encore 115 mètres, sans dévier de sa trajectoire primitive.

Le 17 octobre 1885, au fort Lafayette, dans le port de New-York, on essayait un canon de 8 pouces, long de 18 mètres, formé par quatre parties en fer forgé, réunies par des tresses et des boulons, disposé sur un support métallique évidé, et que l’on pointait à l’aide d’un appareil à air comprimé. C’est aussi l’air comprimé qui, contenu dans huit réservoirs, remplace la poudre et qui, chaque réservoir s’ouvrant l’un après l’autre, produit une accélération constante. Quant au projectile, il consiste en un cylindre en laiton, de 1 mètre de longueur, terminé par une pointe conique, et en un sabot en bois, long de 1 mètre 30, faisant l’office de culot. Le culot dirige le projectile pendant son parcours. Cet obus renferme 46 kilogrammes de gélatine explosive ; la cartouche d’inflammation est à base de dynamite, et c’est une fusée percutante qui met le feu à la cartouche.

Le premier projectile lancé, dans ces conditions, parcourut 2 000 mètres, et ne fit pas explosion. On n’avait cependant pas perdu son temps, puisqu’il était démontré que le tir des obus chargés à la dynamite n’offrait pas des difficultés insurmontables.

Le 28 novembre suivant, on tirait trois obus chargés de gélatine explosive, dont l’un franchit 4 000 mètres et tomba dans l’eau ; les deux autres firent explosion au fond de la mer, en projetant des gerbes, dont la hauteur dépassait 80 mètres.

Il était donc établi que l’on pouvait lancer des obus chargés de gélatine explosive, qui produisaient des effets prodigieux. Il ne restait, par conséquent, qu’à perfectionner le mode de chargement de ces obus, et à chercher la forme de canon qui convenait le mieux pour les lancer.

En réalité, le problème se posait en ces termes : Envoyer un projectile contenant une forte dose de substance explosive, sans que le choc provoqué par l’inflammation de la charge détermine une explosion prématurée. Il existe deux solutions à ce problème : ou bien, employer des pièces courtes, à trajectoire très peu tendue, à charge très faible, et remplir de substances explosives des sortes de bombes ; ou bien se servir des canons nouveaux, où la charge ne s’enflamme que progressivement, et où l’on n’a pas à craindre un à-coup assez violent pour causer l’explosion de la dynamite.

Les ingénieurs et les officiers américains ont adopté la seconde de ces solutions, sans avoir toutefois réussi, au moins jusqu’à présent, à construire un canon réellement susceptible d’être mis en batterie. En