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ne seraient pas longtemps arrêtées au pied du rempart.

Le système de fortification en usage de nos jours est le système dit polygonal, dans lequel les bastions sont à peu près entièrement supprimés, et remplacés par des ouvrages défensifs, placés dans les fossés et garnis d’une puissante artillerie.

Un ingénieur français, Montalembert, avait imaginé, vers la fin du siècle dernier, ce système, que les Allemands ont pratiqué depuis longtemps, et que nous avons adopté après eux. Il constitue aujourd’hui notre système général de forts.

Nous décrirons comme type des forts, tels qu’on les construit aujourd’hui, en France, celui de Belfort (fig. 195).

Destiné à battre deux routes, à tirer dans les deux directions, A et B, il a deux fronts, E, et PL. Sur le front E, sont établis quatre canons de gros calibre, séparés les uns des autres par des traverses en terre ; trois canons sont disposés sur le front PL. Les casernes sont construites sous le rempart, en a, b. Ce sont des logements assez confortables, recouverts d’une énorme masse de terre, et par conséquent, presque à l’abri des obus. Un passage blindé, XX, conduit, de l’entrée du fort, soit jusqu’au pied du rempart, soit jusqu’à la porte des casernes, ou plutôt des casemates.

Les fronts d’attaque, PL, sont droits. Là, point de bastions. Comment, sans aucun bastion, empêchera-t-on l’assiégeant de descendre dans le fossé, et de tenter l’escalade du fort ?

Trois ouvrages ont été élevés dans le fossé même ; ces ouvrages, R, P, M, se nomment caponnières. L’un, P, est plus vaste que les deux autres ; il est situé juste à l’angle des deux fronts d’attaque. Imaginez une sorte de chambre en maçonnerie protégée par une couche de terre de 10 mètres d’épaisseur et par deux ou trois rangées de madriers. À l’avant, un petit fossé plein d’eau, LO, et des créneaux, d’où jaillirait, en cas d’assaut, un violent feu de mousqueterie. À droite et à gauche, trois ou quatre mitrailleuses, qui tirent à travers des embrasures étroites, et dont les projectiles brûleraient littéralement les troupes d’assaut. Cette même caponnière, P, défend les deux fossés du front d’attaque ; les caponnières M et R enfilent les fossés O et L ; enfin la gorge EE, à l’entrée du fort, est défendue par des bastions.

Ces bastions sont, d’ailleurs, ici, à titre d’exception. Il ne faut pas oublier que le fort que nous décrivons est celui de Belfort, et que l’attaque par les revers du fort n’est pas à redouter, en raison des dispositions locales.

Ajoutons que quand on le peut, on remplit d’eau les fossés.

Tel est le fort polygonal, ou fort moderne, qui défend aujourd’hui nos places de guerre. C’est dans ce système que sont construits les forts placés autour de Paris, les forts de l’Est, du Nord-Est et du Sud-Est, ceux de Verdun, de Belfort et de tant d’autres places.

Mais depuis la construction de ces forts, on a découvert la mélinite, et les étrangers ont rempli leurs obus de substances explosives très puissantes. Nous avons décrit les terrifiants effets produits par l’explosion de ces compositions chimiques. Nos officiers du génie se sont préoccupés de mettre nos places fortes à l’abri de ces terribles agents de démolition qui détruisent pierre et terre. Ils ont construit, pour résister aux obus à la mélinite, des tourelles métalliques tournantes.

L’idée de garnir les forts de tourelles en métal ne date pas d’aujourd’hui. En France, on a essayé, depuis 1870, trente ou quarante modèles de coupoles en acier, en métal compound, ou en fer laminé. On a reconnu que le métal compound et l’acier se fissurent