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Coulé en bronze, d’un seul morceau, il ne mesure pas plus de 5m,60 de long, sur 1m,53 de diamètre, et pèse, tout armé, 6 000 kilogrammes, ce qui permet de le transporter comme un colis ou une chaloupe, sur un truck de chemin de fer ou à bord d’un cuirassé. N’est-ce pas par voie ferrée, et en grande vitesse, dans les bagages de l’inventeur, qu’il a fait le voyage d’Auteuil à Cherbourg ?

Cette légèreté relative ne l’empêche pas d’avoir, en raison de ses formes, une assiette prodigieuse, et de tenir admirablement la mer. Quand il flotte à la surface même par une forte houle, il porte très bien sur son dos, sans vaciller, deux ou trois hommes.

Pendant les nouvelles expériences faites le 31 mars 1890, dans le bassin du commerce, à Cherbourg, l’invisible bateau-poisson évolua entre deux eaux, et, passant par-dessous les torpilleurs, alla, toujours entre deux eaux, couper les fils des bouées sous-marines suspendues autour d’un canot isolé au milieu du bassin.

La marine espagnole a suivi les traces des autres nations maritimes, en construisant le bateau sous-marin connu sous le nom de Péral, du nom du lieutenant de vaisseau de la marine espagnole qui en a dirigé l’exécution.

Ce bateau, qui a 21 mètres de long, sur 2m,75 de large, déplace 89 tonneaux. Il est muni de deux gouvernails et de trois hélices ; on y embarque par une sorte d’écoutille. À l’avant se trouve un tube lance-torpille. Il est formé de lames d’acier bien assemblées.

On commence par faire pénétrer de l’eau dans des caisses spéciales disposées sur les deux flancs du bateau, jusqu’à ce que le pont soit au ras de la mer ; alors, on met le moteur électrique en marche, de manière à obtenir la vitesse de cinq nœuds ; on incline les plaques de côté, et l’on fait ainsi immerger le bateau plus ou moins. Deux grands réservoirs contenant de l’air comprimé fournissent l’air respirable.

L’équipage ne comprend que deux hommes. Deux gouvernails horizontaux maintiennent le bateau horizontalement, quand il est immergé ; et deux gouvernails verticaux servent à en régler la marche. Il est en outre pourvu de deux tubes lance-torpilles.

Les premières expériences ont été faites à la fin de février 1889. Il s’agissait alors non d’examiner les qualités du bateau comme plongeur, mais simplement de vérifier ses capacités nautiques, comme pour tout navire ordinaire. Il naviguait donc à fleur d’eau. Malheureusement, une des hélices refusa de tourner, et l’on dut rentrer, pour le réparer.

Le 20 juillet 1889, le Péral sortait, pour la seconde fois. Aucun accident ne fut alors à regretter ; le bateau manœuvrait merveilleusement, il obéissait à son constructeur, « comme un esclave à son maître », dit la Cronica general. Mais les Espagnols sont enthousiastes, et bien avant les expériences, ils portaient déjà aux nues le bateau et son constructeur. Il ne faut donc pas trop prendre à la lettre les éloges décernés au Péral. Pendant les expériences de vitesse, ce bateau a toujours eu quelque contretemps ; il s’est même échoué sur un banc de sable.

Mais un bateau sous-marin n’est pas destiné à manœuvrer à la surface de l’eau, il doit naviguer entre deux eaux. Sous ce rapport, les expériences sont loin d’être concluantes. Certainement, le Péral plonge, mais si peu, et pendant si peu de temps ! Le bateau est resté submergé un quart d’heure, mais immobile, attaché au quai par une longue corde. On ne peut tirer d’une telle expérience aucune conclusion sur sa stabilité. Peut-il, à volonté, se maintenir à