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Ce sont là, on en conviendra, de sages précautions.

C’est à l’oubli de prescriptions semblables qu’il faut attribuer la catastrophe qui épouvanta la ville d’Anvers, le 6 septembre 1889.

Un industriel belge, nommé Corvilain, avait acheté au gouvernement espagnol cinquante millions de vieilles cartouches, qu’il voulait dépecer, pour en revendre la poudre et les balles. Le gouvernement français lui avait refusé l’autorisation de se livrer, sur notre territoire, à cette opération dangereuse, uniquement utile au spéculateur ; mais les autorités municipales d’Anvers furent moins sévères, et autorisèrent l’installation, aux portes de la ville, d’un atelier pour ce travail.

Il paraît qu’une des ouvrières employées à défaire les cartouches se servit d’une épingle à cheveux, pour détacher la poudre de son enveloppe, et que le frottement du fer suffit à déterminer l’inflammation d’une cartouche. Aussitôt tout sauta, et des 200 ouvriers, enfants et ouvrières, qui travaillaient dans l’atelier, pas un seul ne survécut !

Par une inconcevable imprudence les autorités municipales d’Anvers avaient laissé l’atelier de Corvilain s’installer près des célèbres réservoirs de pétrole, que connaissaient tous les touristes, et qui s’étendaient non loin du port. Les débris enflammés de l’explosion des cartouches mirent le feu aux réservoirs de pétrole, et dix mille barils de ce liquide s’enflammèrent instantanément. On put heureusement préserver vingt mille autres barils, emmagasinés plus loin.

On conçoit l’effroyable brasier qui résulta de l’inflammation d’une telle masse de pétrole, qui courait comme une rivière brûlante, jusqu’au port, où quelques navires furent endommagés, pendant que le reste se hâtait de prendre le large.

L’incendie des magasins de pétrole causa de nouveaux malheurs, de nouvelles ruines et de nouvelles victimes.

Et tout cela pour une épingle à cheveux !

Revenons à la poudrerie allemande.

On emploie dans la poudrerie de Dünebourg, huit paires de meules du système Gruson ; chacune de ces meules pèse 5 500 kilogrammes ; elles font neuf tours par minute, et la charge varie de 30 à 75 kilogrammes.

Pour la fabrication de la poudre ordinaire, les procédés en usage à Dünebourg n’offrent pas un intérêt spécial ; il n’en est pas de même pour ce qui concerne la poudre prismatique. Il y a dix ans que l’artillerie allemande emploie des poudres prismatiques, et poursuit ainsi ce double objectif : accroître la vitesse initiale, et diminuer la pression à l’intérieur de la bouche à feu.


CHAPITRE III

les nouveaux explosifs. — poudre au picrate. — le coton-poudre. — inconvénients de ces produits. — ce que c’est que la dynamite. — fabrication de la nitro-glycérine ; ses propriétés. — réactions chimiques. — emploi dans les mines de la nitro-glycérine pure.

On appelle explosifs les agents chimiques dont les effets balistiques sont notablement supérieurs à ceux de la poudre de guerre, parce qu’au lieu de brûler progressivement, comme la poudre ordinaire, qui est un mélange et non un corps unique, ils brûlent presque instantanément. Comme la substance qui les compose est homogène, forme un produit organique, elle subit la combustion dans toute sa masse à la fois, ce qui détermine des effets explosifs énormes.

La recherche d’explosifs applicables aux armes de guerre remonte au milieu de notre siècle. C’est en 1846 que le coton-poudre fut découvert par Pelouze, ainsi que nous l’avons raconté dans notre Notice sur les Poudres de guerre des Merveilles de