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Ce qu’elle ignorait, c’est que le grand sentiment qui emplissait le cœur d’Alexandre était payé d’une réciprocité nullement amoindrie ; et rien de surprenant, quand on réfléchit que Laure était si seule au monde, qu’il était son seul amour, son premier amour dans toute l’expression du mot. Depuis son enfance, elle avait trouvé chez ses compagnes cette affection superficielle, toute mêlée de jalousie, que la petite fille accorde à sa compagne plus favorisée qu’elle. Sa tendresse pour sa mère ne pouvait avoir cette profondeur, cette ampleur qu’elle prend chez les enfants placés dans des conditions normales, même eut-elle été orpheline ? Dans son cœur, il y aurait eu un culte gardé au souvenir d’une morte. Au contraire, son cœur appelait l’amour sans l’avoir jamais rencontré ; aussi, depuis le jour où elle avait compris qu’elle était aimée, véritablement aimée, vivait-elle des heures d’ivresse.

Midi et quart, elle pénètre dans le corridor de l’Ave Maria. Une vieille demoiselle se précipite vers elle et la prévient que les dames religieuses l’ont demandé deux fois au téléphone dans le cours de l’avant-midi, « elles se sont informées si vous résidiez toujours ici » ?

Elle remercia sans attacher d’importance à cet appel, elle songea aussitôt : elles ont peut-être eu des racontars sur mon compte, il faudra que j’aille les voir ; en même temps, je leur dirai que je me suis mise en règle avec maman.

Au fond, elle n’était pas mécontente d’aller leur annoncer son prochain mariage, elles avaient tant