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vait-elle fait pour donner du bonheur à cette mère qui s’était prodiguée pour elle ?

— S’il eût été à ma connaissance, maman, que l’argent que vous me donniez vous obligeait à faire des sacrifices, vous savez bien que je ne l’aurais jamais accepté.

Le ton était dur, Laure s’en aperçut et rougit d’avoir été méchante. Même si cette personne n’était pas sa mère, jusqu’à ce jour, elle n’avait eu à son égard que des procédés généreux et désintéressés, quelle idée avait-elle d’aller lui faire gratuitement injure, il fallait qu’elle fût bien malheureuse pour être si méchante. Il est vrai que dans ces procédés et ces manières, elle avait démêlé depuis ces derniers temps des inconséquences, elles n’étaient pas suffisantes à donner raison à sa malveillance, aussi s’empressa-t-elle d’ajouter sur un ton plus doux :

— Vous n’aimeriez probablement pas manger à la longue table du Foyer, entourée de jeunes filles de toutes les classes de la société ?

— Tu aurais à y rougir de moi. Comment n’y avais-je pas pensé ?

Et en disant ces mots, sans amertume apparente, la vieille maman jetait un coup d’œil à sa robe à l’ancienne mode.

— Mais non, maman, pas du tout. Qu’allez-vous chercher là ? Et n’était-ce le coût d’un tel dîner, je vous mènerais dans le restaurant le plus chic de la ville.

— Dis, vrai, tu ferais cela ?