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c’est avec regret quelle s’arrache à sa contemplation, et retourne à ses préparatifs. Le thé se prendra sous la véranda. Elle met ici, une jardinière, baisse jusqu’à demi les toiles bleues et blanches qui protégeront du soleil, et conserveront une agréable fraîcheur.

Les premières jeunes filles arrivent. Pierrette reçoit, la main tendue : son accueil est le même pour toutes, son sourire gracieux. Marguerite travaille pour gagner sa vie, et n’aime pas se le faire rappeler, elle oublie de s’informer si elle a obtenu facilement son congé. Elle sait que Lily souffre encore de la défection de son fiancé, et se fait pour elle plus câline, sans toutefois commettre la maladresse de lui rappeler sa peine. Elle évite meme de parler de son prochain mariage, afin de ménager son amie. Le thé blond coule dans les tasses de porcelaine si fine qu’elles en sont transparentes. Les gais propos s’échangent par-dessus l’énorme bol de roses qui décore le centre de la table. Les rires s’égrènent et montent jusqu’à la couverture de bois qui les renvoie affaiblis.

Les chaloupes s’éloignent du rivage. Les joncs et les algues les ont une minute embarrassées au départ, mais, presqu’aussitôt elles se sont libérées, et fendent maintenant la vague d’un mouvement cadencé. Des cheveux légers flottent au vent. Des robes bleues et roses tranchent sur le gris uniforme de l’eau.

Jusqu’à l’heure du souper elles se laissent griser par l’air quelque peu rafraîchi.

Pierrette les a toutes entraînées dans sa chambre. Elle leur fait voir les pièces de son trousseau, les nombreux cadeaux qui déjà sont arrivés. Les unes admirent sans arrière pensée, chez d’autres pointe une petite moue d’envie ou de désapprobation. Pierrette ne s’inquiète ni des unes ni des autres. Quand elle s’achète un objet, elle ne consulte que son goût, sans s’occuper de savoir s’il plaira à tout le monde. Si elle reçoit un présent, elle est toujours enchantée. Son heureux caractère est pour une bonne moitié dans son bonheur.

Un peu plus tard, elle les amène au jardin, et les