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CHAPITRE CINQUIÈME

L’ESPOIR RENAÎT


Le givre a mis des fleurs tout plein les vitres de la fenêtre. Pierrette, assise dans une chaise longue, regarde au dehors. La cour est déserte. Les plates-bandes sont noires uniformément. Dans les creux, un peu de neige est resté. Des moineaux tout renflés par le froid, viennent, picorent des grains invisibles, volètent, partent, reviennent. Elle suit leurs évolutions sans ne rien comprendre à leur manège. Leurs petites pattes sont toutes rouges. Ils viennent à la croisée, et leur passage laisse des dentelles sur la poussière blanche qui recouvre l’appui. Sur une table à la portée de la jeune fille, des journaux, des revues, des lettres. Pierrette est assez bien pour lire quelques heures chaque jour. Elle prend maintenant connaissance de son courrier, mais elle ne répond à personne.

Sa mère entre, portant un plateau.

— C’est l’heure de prendre ton lait, petite.

Pierrette tourne la tête et répond :

— Je n’ai pas faim.

— Pour revenir tout à fait, pour me faire plaisir, je t’en prie.

Chaque fois qu’il s’agit de lui faire absorber quelque chose, c’est la même supplication qui recommence.

La tête de Pierrette penche, et semble si lasse, si lasse. Ce sont ces paroles de sa mère : « revenir, guérir », à quoi cela servira-t-il ? Elle revoit sans cesse la silhouette de Charlie laissant le convoi, s’avançant vers elle. Pourra-t-elle jamais l’aimer ? Mais non, c’est impossible, lui dire la vérité telle qu’elle s’est montrée en