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nerveux tout près des larmes. Sa mère inquiète se leva :

— Que t’arrive-t-il ? chérie.

— Rien, maman, je me représentais l’arrivée de Charlie.

Sa voix tremblait.

— Ce souvenir, ce me semble, n’a rien d’amusant ; dis, pourquoi ris-tu ?

Une crainte atroce venait de l’assaillir : « Si l’esprit de Pierrette allait être atteint ? »

— C’est que je n’ai pu reconnaître Charlie.

— Comment ?

— Mais oui. Seulement, c’est bien impossible de vous faire comprendre, je viens de constater la chose à l’instant ; plus tard, quand mon esprit sera plus lucide, je vous expliquerai.

Elle paraît excédée et sa mère laisse tomber la conversation.

La jeune fille se mit à ranger avec ordre les revues, les journaux, les lettres. C’était la première fois depuis sa maladie qu’elle s’occupait un peu utilement. Allait-elle enfin reprendre goût à l’existence.

Parmi les carrés mauves, jaunes ou roses, elle en choisit un, respire avec délices le parfum subtil qui s’en dégage, le déplie et le lit avec attention.

C’était une lettre de Guy de Morais. Il s’informait affectueusement de sa santé, rappelait les souvenirs de son séjour à Québec, et parlait peu de New-York. C’était une manière habile de laisser croire qu’il avait rapporté de ce voyage des impressions si fortes qu’elles annihilaient toutes les puissances de séduction de la grande ville américaine. Pierrette résolut tout de suite de lui répondre. Elle lui dit qu’elle allait mieux et qu’elle pourrait sortir bientôt. Elle ne lui parla ni de Charlie, ni de ses fiançailles sans terme bien défini. Puisqu’elle était malade, elle jugeait que c’était bien simple et bien clair, le retard s’expliquait tout seul. Elle le priait de lui parler de sa vie, de ses occupations,