Page:Firmin - De l’égalité des races humaines.djvu/515

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dra-t·on dans un moment de leur histoire, ou elles montraient respectivement un degré assimilable d’évolution sociale ? Non ; on compare des peuples encore barbares à des peuples longtemps civilisés, sans considérer le passé certain des uns ni l’avenir probable des autres. Il semble qu’on ne se rappelle plus les anciennes mœurs et les croyances ancestrales de ces mêmes Européens qui se croient sortis de terre tout armés de la civilisation, comme sortit Minerve de la tête de Jupiter. Mais tout ce qu’on reproche aux Nigritiens, ne peut-on pas aussi le reprocher à ceux qui furent les pères de leurs accusateurs ? Pour nous en convaincre, il est bon d’étudier quelques faits historiques.

II

SUPERSTITIONS ET RELIGIONS.


Tout d’abord, on s’est servi d’un argument qui semblait capital dans la preuve à établir de l’infériorité des Noirs. Suivant une certaine école anthropologico-philosophique, ce qui distingue l’homme du reste des animaux, ce n’est pas l’intelligence, mais la moralité et la religiosité. En étudiant attentivement certaines espèces animales, telles que l’abeille, la fourmi, le castor, on est arrivé à se persuader qu’elles ont une somme d’intelligence supérieure et qu’on ne saurait confondre avec le simple instinct. Cette révolution philosophique et scientifique, qui a renversé de fond en comble l’ancienne théorie cartésienne sur l’automatisme des animaux, a, pour ainsi dire, jeté un pont sur l’abîme qui séparait l’homme des autres créatures animées, en démontrant d’une façon positive ce que le bon La Fontaine avait indiqué en riant. Il y eut des incrédules. Isidore Geoffroy persista toujours à n’accorder aux animaux que l’instinct ; d’autres naturalistes, quoique parti-