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CORRESPONDANCE

mouillait la figure. Si tu vas à Marseille, descends de ma part à Hôtel Richelieu, rue de la Darse.

Je lis du Ronsard, du Rabelais, de l’Horace, mais peu et rarement, comme on fait de truffes. C’est de journaux, d’histoire et de philosophie que se compose pour presque tous la nourriture littéraire, de même que les bourgeois mangent journellement des pommes de terre frites, du bouilli, des haricots, des côtelettes de veau, le tout accompagné de cidre ou d’eau et de vin. Les gourmets de style, les becs fins, veulent de plus hautes épices, des sauces moins délayées, des vins plus hauts. Quel homme que ce Ronsard ! Pour ne pas en dire tant, lis-moi ça, vieil amateur :

… Quand au lit nous serons
Entrelasséz, nous ferons
Les lascifs selon les guises
Des amants qui librement
Pratiquent folâtrement
Dans les draps cent mignardises.

Ce qui n’empêche pas que M. Oudot, professeur de Code civil, n’aime d’un amour furieux l’emphytéose et ne soit acharné pour les obligations. Ô usufruit ! ô servitude ! comme je vous emmerde présentement ! mais comme vous allez bientôt me ré-emmerder.

J’avais trouvé dans Montaigne une fort belle phrase sur les lois, dont je comptais faire une épigraphe à mon Code ; mais je l’ai perdue.

Sur ce, bonsoir.

Ma sœur va mieux. Mille choses à ta famille.