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DE GUSTAVE FLAUBERT.

durcir les fesses sur des bancs de bois et à endurer un professeur qui fait tomber sur vos épaules sa parole de plomb, ou d’airain, comme on voudra. Je vais bien encore au cours, mais je n’écoute plus ; c’est du temps perdu. J’en ai trop, j’en suis saoul. J’admire les gaillards qui sont là patiemment à prendre des notes et qui ne sentent pas des bouillonnements de rage et d’ennui leur monter à la tête. Quand j’ai avalé deux cours de suite, ce qui m’arrive souvent, juge dans quel état je dois être. La haine que je porte à la science découle, je crois, sur ceux qui l’enseignent, à moins que ce ne soit le contraire ; et si j’avais le pouvoir absolu, à coup sûr j’enverrais M. Oudot et compagnie travailler aux fortifications, à grands renforts de coups de pied. En attendant je travaille comme un désespéré pour passer mon examen le plus tôt et le plus infailliblement possible. Mais celui qui pourrait me voir quand je suis seul à m’inoculer tout le français du Code civil dans le cerveau et à savourer la poésie du Code de procédure, celui-là pourrait se vanter d’avoir vu quelque chose de lamentablement grotesque. Nom d’un nom ! j’aime mieux faire le « journaliste de Nevers » ou le « père Couillère », parole d’honneur !

Quand je pense à vous autres, au moins, quelque chose de bon et de doux me ranime et me rafraîchit, mille tendresses gaies me reviennent au cœur, et je vais de l’une à l’autre, vous regardant tous d’ici, aller, venir, parler, avec le son de votre voix, vous lever et vous asseoir dans vos habits que je connais. Ici, par exemple, mon bon raton, j’ai dans les oreilles ton rire sonore et doux, ce rire pour lequel je me ferais crever en bouf-