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CORRESPONDANCE

Repose-toi bien dans ta famille, mon pauvre vieux. Dans quelque temps, je te dirai de venir un peu faire une petite visite à ton ancien qui te pourmènera dans son canot tout en repassant les vieilles blagues du temps passé, quand nous étions plus gais et plus jeunes. Notre ancien compagnon Néo sera là, et nous repenserons au temps où il venait avec nous sur la côte Saint-Gervais ; nous nous asseyions sur les cailloux, et nous allumions nos petits cigares.

Ce pauvre cigare, quand reviendra-t-il ? Je désire cependant peu de choses dans la vie, et le ciel devrait bien me les donner. Je ne lui demande ni l’amour des femmes, ni l’admiration des sots, ni honneur, ni état ; il me semble que j’ai des vœux modestes. Eh bien non ! il est dit que ce bienheureux nicotiane me sera refusé et qu’au lieu de l’aimable et gracieux chambertin, je boirai de l’eau de fleurs d’oranger et de tilleul — deux beaux arbres, j’en conviens, mais pas en bouteille ! Rien de neuf. Ma santé n’est pas mauvaise, mais tout cela est si long à se guérir ! J’ai été si étrillé que je serai longtemps encore avant d’en être quitte.

Adieu, cher Ernest, mille compliments aux tiens.

Tout à toi.


89. AU MÊME.
Croisset, 11 novembre [1844].

Je n’entends jamais parler de toi ! Qu’est-ce que tu deviens, profond jurisconsulte ? Te livres-tu à l’étude des lois, ou au culottage de la pipe ? ma-