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CORRESPONDANCE

95. À ERNEST CHEVALIER.
Milan, 13 mai [1845].

Ne pas confondre avec Milan, frère du gros Milan, seul, de tous les Milan, fabricant de boyaux de mouton neutralisés, sans odeur, approuvés par l’Académie royale de Médecine de Paris, rue de l’Arbre-Sec, etc.

Excuse-moi d’abord, mon vieil Ernest, de ne pas t’avoir écrit. J’accepte tous les reproches de ta lettre, à laquelle je réponds de suite, et j’implore ma grâce en te promettant que tu ne manqueras pas de mes lettres à Calvi[1]. J’imagine l’isolement dans lequel tu vas te trouver et je tâcherai de temps à autre de te distraire un peu par quelques facéties que je t’enverrai d’au-delà de la mer. Hélas ! je ne suis plus si gai qu’autrefois. Je deviens vieux. Je n’ai plus cette magnifique blague qui remplissait des lettres que tu étais deux jours à lire. Ce sera plutôt à toi de m’apprendre du nouveau. Je te conseille, pour passer le temps, de travailler l’italien et l’histoire de la Corse. Je te demanderai même plus tard, quand tu seras installé, quelques renseignements que je désire. Nous ne sommes pas près de nous revoir, mon pauvre vieux. J’aurais voulu avant de nous séparer nous dire un adieu classique, j’entends souper tranquillement ensemble chez ce bon Auguste, et finir la soirée chez Mme R***, avant que tu n’ailles

  1. Ernest Chevalier venait d’être nommé substitut du procureur du roi à Calvi.