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DE GUSTAVE FLAUBERT.

reproches que tu m’adresses aujourd’hui auraient pu être justes alors.

Je vais écrire à Phidias, mais je ne sais pas trop comment lui tourner ça pour lui dire qu’il me fasse venir tout de suite. S’il est à la campagne, où ? Quand revient-il ?

J’arriverai un soir ; je resterai la nuit et le jour suivant jusqu’à sept heures ; c’est convenu. À partir de jeudi, adresse-moi tes lettres ainsi : M. Du Camp chez Mr G. H., etc., parce que les lettres que je reçois de toi tous les jours sont censées être de lui et, quand il sera ici, ça paraîtrait singulier que j’en reçusse tout de même ; on pourrait m’interroger, etc. Au reste, si tu éprouves pour cela la moindre répugnance, ne le fais pas, je m’en moque. J’ai la pudeur de toi, je crois toujours, si je prononçais seulement ton nom, que je rougirais qu’on s’aperçoive de tout.

J’ai lu le volume de Saintes et Folles[1] et presque toutes tes poésies. Ce que j’aime surtout, c’est l’histoire de Démosthènes, Phenaretta et le conte de M. Georges de Senneval, l’histoire de l’homme laid. Il y a une pièce de vers qui m’a remué profondément, c’est : l’Enthousiasme. Il m’a semblé que c’était moi qui l’avais faite. J’ai relu cent fois celle À une amie, c’est-à-dire à toi, celle-là que tu m’as dite sur mon lit, mes bras passés autour de toi, et me regardant dans les yeux. Tu voulais que je t’envoie quelque chose sur nous ; tiens, voilà une page faite il y a deux ans à cette époque (c’est un fragment de lettre à un ami) :

« … Il coulait de ses yeux un fluide lumineux

  1. Folles et Saintes, 2 vol. in-8o. Paris, Coquebert, 1844.