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DE GUSTAVE FLAUBERT.

l’idée de mettre dans ma lettre ces fleurs significatives, car je n’en connaissais pas le sens symbolique. C’est Du Camp qui me l’a appris en me donnant le conseil de m’en servir. J’ai pensé que cet enfantillage amuserait ton cœur. Il a bien amusé le mien ! Sais-tu quelque chose qui m’a touché dans ta lettre ? c’est cette course dans le Bois de Boulogne dont tu me parles ; ça m’a fait froid à moi-même. Je me suis senti à ta place. Je me suis vu, les rôles intervertis. Et ton enfant qui t’embrassait les mains ! Donne-lui pour cela un baiser de ma part. J’y repense aussi souvent à ce bon Bois de Boulogne. Te souviens-tu de notre première promenade le 30 juillet ? Comme Henriette dormait sur les coussins ! Et le doux mouvement des ressorts, et nos mains, et nos regards plus confondus qu’elles. Je voyais tes yeux briller dans la nuit, j’avais le cœur tiède et mou… Je buvais avec extase les longues effluvions (sic) de ta prunelle fixée sur la mienne… Quand tout cela reviendra-t-il ? Qui le sait ? Oh ne m’accuse pas d’oubli, ne m’accuse jamais ! Ce serait une cruauté infâme. Aime-moi toujours, car moi aussi je t’aime sans cesse.

Adieu, mille baisers sur ta belle gorge, sur ces seins que tu offres à mes lèvres avec un si doux sourire quand tu me dis : « Je te plais donc ? M’aimes-tu ? » — Si tu me plais, si je t’aime ! […] Encore adieu, mille amours…

Sois sans crainte, chère amie ; j’ai reçu la lettre […].