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DE GUSTAVE FLAUBERT.

mets-la à part dans ton cœur, non pas pour le troubler et l’emplir jusqu’aux bords, mais pour le réchauffer et le pénétrer de chaleur. Fais-lui prendre un bain d’amour, si tu veux, à ton pauvre cœur ; mais ne le noie pas.

Ma mère avait pour demain à Rouen des affaires d’argent. J’ai demandé à m’en charger (c’est l’affaire d’une heure) pour avoir l’occasion d’aller te porter avant onze heures cette lettre à la poste afin que tu l’aies ce soir.

Adieu ma chère aimée, mille baisers sur tes doux yeux. Réponds-moi si mon projet te plaît. Ce serait, je crois, dans trois ou quatre jours. Je ne sais pas. Je t’avertirai à temps. Pourvu que la fortune nous protège ! Je me méfie toujours d’elle. C’est une bien grande coquette ; quand elle vous fait des agaceries, c’est qu’elle va vous repousser de plus belle.

Adieu, à toi, sur toi.


133. À LA MÊME.
Vendredi soir, minuit, [4-5 septembre 1846.]

Tu voulais que je vinsse dimanche. Moi j’ai pensé aussi, tu le vois, à nous réunir. Nous nous rencontrons toujours dans nos souhaits, dans nos désirs. Quand on s’aime, on est comme les frères Siamois attachés l’un à l’autre, deux corps pour une âme. Mais si l’un meurt avant l’autre, il faut traîner un cadavre à sa remorque. N’aie pas peur pour moi ; je ne sens pas l’agonie venir. Ce sera donc bientôt que nous nous reverrons. Il est