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CORRESPONDANCE

147. À LA MÊME.
Entièrement inédite.
Jeudi, 11 heures du matin. [24 septembre 1846.]

Nous avons été, cette nuit, singulièrement troublés par une aventure dont malheureusement je n’ai pu goûter le grotesque puisque j’étais endormi et qu’au moment où cela s’est passé, je rêvais. Un beau rêve : j’étais sur le bord de la mer sur de hautes falaises, dans une grotte tapissée de varech et de fucus. Je n’ai pas entendu le bruit qu’on faisait. On a volé chez mon beau-frère, et des voisins sont venus nous avertir avec des lanternes, des cannes et des parapluies pour leur servir de défense. Mon beau-frère couchait chez nous ; sa petite fille est malade et il n’y avait chez lui que son domestique, lequel, dans sa frayeur, a été tellement bouleversé qu’il a cassé un carreau et a voulu se jeter par la fenêtre. C’était, à ce qu’il paraît, fort drôle. Le pauvre diable n’est pas brave ; il était fou de terreur. Il y a des natures réjouissantes, n’est-ce pas ? Tout le monde ici était encore préoccupé de cela. On a enlevé une pendule et divers objets qu’on a retrouvés ensuite dans le jardin. Je regrette bien qu’on ne m’ait pas éveillé, non pas pour voir le misérable (style de journaux), que personne n’a vu, mais pour considérer un peu la mine bête des gens qui le cherchaient. J’ai manqué là un beau tableau. C’est le second que je perds de ce genre.