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CORRESPONDANCE

un mois ; depuis Mantes, un mois, et il me semble qu’il y a un an. Chacun de nous a dans le cœur un calendrier particulier d’après lequel il mesure le temps ; il y a des minutes qui sont des années, des jours qui marquent comme des siècles […]. Je ne me guinde pas vers un faux idéal de stoïcisme, mais, comme Panurge fuyait les loups « lesquels il craignait naturellement », j’évite les occasions de souffrance et les attractions dangereuses, d’où l’on ne revient plus. Adieu, cher amour. Mille tendresses pour ton cœur, mille baisers sur ton corps.


156. À LA MÊME.
Mardi matin, 8 h. [Croisset, 13 octobre 1846.]

Eh bien, Du Camp, qu’est-ce que nous en disons ? T’a-t-il convenu ? Avez-vous bien parlé de moi ? Êtes-vous convenus de vos arrangements ? J’attends de toi tout à l’heure une bonne et longue lettre moins boudeuse que la précédente, où tu me racontes tout cela. Je suis sûr que s’il est arrivé dimanche matin à Paris, il se sera rendu dimanche soir à ton invitation. Pourquoi donc me fais-tu toujours des reproches et incessamment, ma chérie ? Qu’est-ce que je t’ai donc fait pour que tu pleures toujours ?

Quand je suis auprès de toi, je peux, d’une caresse, effacer tes larmes ; mais à trente lieues de distance, le baiser que je t’envoie se glace dans l’air, et tu ne l’aperçois pas sur mes lettres quand il arrive.