Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
379
DE GUSTAVE FLAUBERT.

à tout, au travail, à la paresse, à tout excès, à toute abstinence. Je n’ai jamais senti ce que c’était que la fatigue intellectuelle, et il fut une année où j’ai travaillé régulièrement pendant dix mois quinze heures par jour ; trois fois par semaine seulement, je faisais des armes à outrance, si bien que j’en râlais ensuite sur mon lit pendant une demi-heure. Quant à la fatigue physique, l’éducation m’a fait un tempérament de colonel de cuirassiers. Sans mes nerfs, partie délicate chez moi, qui me rapproche des gens comme il faut, j’aurais un peu d’affinité avec le fort de la Halle. Sois donc sans crainte, pauvre chérie ; je n’ai pas besoin d’exercice et je vis bien quinze jours sans prendre l’air ni sortir de mon cabinet. Oui, je relis souvent les vers sur Mantes. Tu sais ma manie de répéter toujours quelque chose ; eh bien, je me redis sans cesse :

Avec ta bouche rose et tes blonds cheveux d’ange, etc.

Je ne sais pas si je fais comme toi, si l’amour ne m’aveugle pas, mais il me semble que tu n’as guère écrit quelque chose de meilleur ; car c’est vraiment très beau.

Tu aimes les foulards bleus. J’en ai retrouvé un à moi qui m’a servi pendant longtemps. Je te l’apporterai avec mes petites salières d’émail.

Quant à la commission, je me suis fixé un terme, car j’en suis outré. Si le premier novembre ça n’est pas fait, je pars. Il faudra bien d’ailleurs d’ici là qu’elle se décide. Tu as toujours l’idée de venir ici me soigner si j’étais malade. Je t’avoue que je n’aimerais pas ça, à cause de toutes les scènes que ça susciterait. Et puis d’ailleurs, je n’ai jamais compris