Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 1.djvu/457

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
409
DE GUSTAVE FLAUBERT.

sur le perron, et je te donnerai une dernière poignée de mains réprimée.

Adieu, adieu, mille tendresses, mille baisers, et encore plus du cœur que de la bouche.


173. À LA MÊME.
Entièrement inédite.
Mercredi 2 heures. [2 décembre 1846.]

Je suis triste, je m’ennuie, je m’embète ; je n’ai pas une idée dans la tête. Sans ce bon Max, ce serait à en périr. Me voilà rentré dans ma vie plate et monotone qui n’a quelque douceur que par son uniformité, quelque grandeur peut-être que par sa persévérance. Sitôt que je romps à mon train ordinaire et que je veux m’y remettre, j’en éprouve une amertume sans fond. Aujourd’hui, par exemple, c’est quelque chose d’analogue à l’ennui des écoliers après une vacance. Tout le temps se passe à rêver au plaisir qu’on a eu et on regrette de ne l’avoir pas mieux employé. Il y a 24 heures, nous étions en voiture, nous descendions, nous nous promenions à pied dans le bois. As-tu éprouvé quelquefois le regret que l’on [a] pour des moments perdus, dont la douceur n’a pas été assez savourée ? C’est quand ils sont passés qu’ils reviennent au cœur, flambants, colorés, tranchant sur le reste comme une broderie d’or sur un fond sombre.

Je repense sans cesse à la voiture, et au soleil passant à travers les rideaux jaunes. Tu avais les lèvres et les paupières d’un rose vif.