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DE GUSTAVE FLAUBERT.

cercle, fumaient leurs pipes et, parmi ceux-là, un vieux chantait quelque chose de monotone qui avait un refrain (c’était traînard et chanté à demi-voix). Nous sommes entrés dans toutes les pyramides, nous avons rampé sur la poitrine dans les corridors, glissant dans les crottes de chauves-souris qui venaient voltiger autour de nos flambeaux, et nous retenant du mieux que nous pouvions sur la pente glissante des dalles. Il y fait de 40 à 50 degrés de chaleur. On étouffe légèrement, mais au bout de peu de temps on s’y fait. Dans les puits de Sakkara, nous nous sommes livrés au même exercice et nous en avons tiré quelques momies d’ibis qui sont encore dans leur pot. Du reste l’ascension des pyramides, comme leur visite intérieure (cela est peut-être plus difficile) est une vraie niaiserie quant à la difficulté. Elles ont cela de drôle, ces braves pyramides, que plus on les voit, plus elles paraissent grandes. Au premier abord, n’ayant aucun point de repère à côté, on n’est nullement surpris de leur taille. À cinquante pas, chaque pierre n’a pas l’air plus considérable qu’un pavé. Vous vous en approchez ; chaque pavé a huit pieds de haut et autant de large. Mais quand on monte dessus, que l’on est arrivé au milieu, cela devient immense. En haut on est tout stupéfait. Le second jour, comme nous revenions au soleil couchant d’une course à cheval que nous avions faite derrière, dans le désert, en passant près de la seconde pyramide, elle m’a semblé tout à pic, et j’ai baissé les épaules comme si elle allait me tomber dessus et m’écraser. Celle-ci a son sommet tout blanchi par les fientes d’aigles et de vautours qui planent sans cesse autour du som-