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DE GUSTAVE FLAUBERT.

cataracte). Mais nous avons mis quinze jours à faire 60 lieues. Il y a des journées où nous n’avons pas fait une demi-lieue. Ce matin le vent reprend, nous allons un peu, et nous espérons ne pas tarder à arriver à Wadi-Halfa, d’où nous allons redescendre piano, examinant tout à notre aise. Depuis que nous sommes partis du Caire, en effet, nous n’avons guère quitté la cange. Maintenant nous allons faire des stations pour examiner ces vieilles bougresses de ruines. La chaleur commence à taper ; il faisait hier au soir 34 degrés à 8 heures du soir, et toute la journée le soleil avait été caché par les nuages. Au soleil, dans la journée d’avant-hier, nous avons eu 55 degrés centigrades. Nous avons été obligés de renoncer à notre amour désordonné de marcher pieds nus. Même à travers de fortes chaussures, la chaleur du sol se fait sentir vigoureusement, comme si l’on marchait sur des plaques de cheminée tiédies. En somme, sous le soleil de Nubie, on est comme sous un vaste four de campagne. Mais une chose étrange, c’est que nous n’en sommes nullement gênés. Dans ces climats-ci la chaleur se supporte beaucoup mieux que le froid qui, quelque mince qu’il soit (relativement), gêne beaucoup. Dans ce moment je suis sans pantalon et sans habit, n’ayant pour tout vêtement que mon caleçon et une grande chemise blanche par-dessus.

Nous avons passé les cataractes sans encombre. Au reste, par excès de prudence, nous avons mis pied à terre. C’est une des choses les plus curieuses et les plus belles que nous ayons encore vues. Je t’ai parlé, dans ma dernière lettre, de gens d’Assouan et d’Éléphantine qui traversent le