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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Il y a des bandes de goélands qui nagent entre les navires. Les pigeons perchent sur les cordages des navires et de là s’envolent pour aller se poser sur les minarets.

Vous ne sauriez croire, mon vieux, combien nous pensons à vous et combien nous vous regrettons, ici particulièrement. Vous seriez capable d’y passer le reste de votre vie. Une fois entré dans les bazars, vous n’en sortiriez plus. Toutes les boutiques sont ouvertes, on s’assoit sur le bord, on prend la pipe du marchand et on cause avec lui. On peut y revenir vingt jours de suite sans rien acheter. Quand un marchand n’a pas ce que vous désirez, il se lève de dessus son tapis et vous mène chez un voisin. Mais quand il s’agit du prix, il faut, règle générale, commencer par rabattre les deux tiers. On se dispute pendant une heure ; il jure par sa tête, par sa barbe, par tous les prophètes, et enfin vous finissez par avoir votre marchandise avec 50, 60 ou 75 pour 100 de rabais. Les Persans particulièrement sont d’infâmes gueux. Avec leur bonnet pointu et leur grand nez, ils ont des balles de gredins très amusantes. Stéphany, notre drogman, a une rage de Perse et de Persans incroyable ; partout où il en rencontre, il s’arrête à causer avec eux.


273. À SA MÈRE.
Constantinople, 4 décembre 1850.

Sais-tu que tu finiras, chère vieille, par me donner une vanité démesurée, moi qui assiste à la décroissance successive de cette qualité qu’on ne