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CORRESPONDANCE

et je vis comme un moine. Je suis mystique au fond et je ne crois à rien.

Mais je t’aime, mon pauvre cœur, et je t’embrasse… rarement ! Si je te voyais tous les jours, peut-être t’aimerais-je moins ; mais non, c’est pour longtemps encore. Tu vis dans l’arrière-boutique de mon cœur et tu sors le dimanche. Adieu, mille baisers sur ta poitrine.

À toi.

321. À LOUISE COLET.

En partie inédite.

Croisset, samedi à dimanche, 1 heure matin.
[15-16 mai 1852.]

La nuit de dimanche me prend au milieu d’une page qui m’a tenu toute la journée et qui est loin d’être finie. Je la quitte pour t’écrire, et d’ailleurs elle me mènerait peut-être jusqu’à demain soir ; car comme je suis souvent plusieurs heures à chercher un mot et que j’en ai plusieurs à chercher, il se pourrait que tu passasses encore toute la semaine prochaine si j’attendais la fin. Voilà pourtant plusieurs jours que cela ne va pas trop mal, sauf aujourd’hui où j’ai éprouvé beaucoup d’embarras. Si tu savais ce que je retranche et quelle bouillie que mes manuscrits ! Voilà cent vingt pages de faites ; j’en ai bien écrit cinq cents au moins. Sais-tu à quoi j’ai passé tout mon après-midi avant-hier ? À regarder la campagne par des verres de couleur ; j’en avais besoin pour une page de ma Bovary qui, je crois, ne sera pas une des plus mauvaises.