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DE GUSTAVE FLAUBERT.

deux chapitres, après quoi je reprendrai ce vieux drôle d’Aristophane. Je serai content quand je serai débarrassé de ce travail. Au reste, j’ai envie de te le lire pour savoir ce que tu en penses. C’est une ratatouille assez farce, composée sans prétention, mais avec conscience. Heureux ceux qui ne doutent pas d’eux et qui allongent au courant de la plume tout ce qui leur sort du cerveau. Moi j’hésite, je me trouble, je me dépite, j’ai peur ; mon goût s’augmente à mesure que décroît ma verve et je m’afflige beaucoup plus d’un mot louche que je ne me réjouis de toute une bonne page. J’ai relu hier au soir le chapitre Du cœur, de La Bruyère. C’est beau, bien beau ; mais tout n’y est pas dit. Je n’y ai rien trouvé, par exemple, de relatif à nous deux.

Adieu, pauvre chère amie, je t’embrasse tendrement sur tes beaux yeux.


208. À LOUISE COLET.

Entièrement inédite.

Croisset, jeudi soir.

Voilà l’hiver, le vent est froid, la campagne met son manteau de brume ; c’est la saison où le feu se rallume et où recommencent les longues heures du soir passées à le voir brûler.

Quand je vais me coucher et que je regarde, dans mon fauteuil, les derniers charbons qui s’éteignent, je te donne, avant de m’endormir, une bonne et longue pensée que je t’envoie, sans que