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CORRESPONDANCE

Tu reconnaîtras là ton ami sous les couleurs odieuses[1] dont on a voulu le noircir. Et ce n’est pas tout, j’ai servi de sujet à une comédie inédite et à quantité de pièces détachées. Tout cela parce que ma pièce s’était détachée d’elle ! (Et d’un !)

Quant à mon biographe anonyme, que veux-tu que je t’envoie pour lui être agréable ? Je n’ai aucune biographie. Communique-lui, de ton cru, tout ce qui te fera plaisir. On ne peut plus vivre maintenant ! Du moment qu’on est artiste, il faut que messieurs les épiciers, vérificateurs d’enregistrement, commis de la douane, bottiers en chambre et autres s’amusent sur votre compte personnel ! Il y a des gens pour leur apprendre que vous êtes brun ou blond, facétieux ou mélancolique, âgé de tant de printemps, enclin à la boisson, ou amateur d’harmonica. Je pense, au contraire, que l’écrivain ne doit laisser de lui que ses œuvres. Sa vie importe peu. Arrière la guenille !

Est-ce beau, la croix d’Albéric Second ! Doit-il être content ! Quant au père Dennery, c’est un grand homme, comme filateur de coton. Voilà, mon cher monsieur, la mesure des gloires humaines.

J’ai vu Bouilhet, lundi soir (il était venu à Rouen pour dîner chez mon frère qui est décoré mêmement). Mais celui-ci est bien calme, et cet honneur qui doit faire des jaloux, lesquels se vengeront à sa prochaine pièce, ne lui monte guère à la tête.

Ton volume me paraît une chose corsée, décidément.

  1. Flaubert y est désigné sous le nom de Léonce.