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CORRESPONDANCE

626. À MADEMOISELLE AMÉLIE BOSQUET[1].
Mercredi matin [novembre ou décembre 1859].

Vous vous êtes trompée sur le sens de ma dernière lettre, et j’ai été sans doute trop loin dans mes reproches puisque vous me faites des excuses. Ce qu’il y a de sûr, c’est que la réparation m’a fait plus que de plaisir que l’offense ne m’avait fait de mal ; il n’y a que les femmes pour blesser et caresser ! Que nous avons la main lourde à côté d’elles !

Ma liaison avec Mme Colet ne [m’a] pas laissé aucune blessure dans l’acception sentimentale

  1. Les autographes des lettres de Flaubert à Mlle Amélie Bosquet, sa compatriote, ont été donnés par celles-ci, en 1892, à la Bibliothèque municipale de Rouen. Malheureusement, ils ne sont pas datés, ni classés, et il est souvent fort difficile de leur assigner un rang chronologique précis. À ce dossier, est jointe une note manuscrite de Mlle Bosquet que je crois utile de reproduire, parce qu’elle complétera, avec les lettres elles-mêmes, et les notes que j’y ai ajoutées, ce qu’il faut savoir des relations du maître avec sa correspondante :

    « Malgré ce qu’il y a d’un peu épris dans les lettres que G. Flaubert m’a adressées et leur liberté d’expression, à vrai dire, il ne m’a jamais, suivant la vieille expression, « fait la cour », et je n’ai jamais désiré qu’il me la fît. En outre, tous ses amis savent que du jour où il s’est livré entièrement à la vie littéraire, à partir de la publication de Madame Bovary, il eût redouté, jusqu’au point le plus extrême, tout lien qui eût mis une entrave à son travail. Pourtant, nos conversations étaient fort animées, et il nous est arrivé bien des fois de causer deux ou trois heures en tête à tête. Mais l’ivresse qui s’emparait alors de nous était toute intellectuelle, et si je juge de ce qui se passait en lui par ce que j’éprouvais moi-même, je dirai que cette flamme qui nous montait au cerveau absorbait complètement toutes les puissances de notre être. » (Note de M. René Descharmes, édition Santandréa).