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DE GUSTAVE FLAUBERT.

prive des lieux publics. J’ai trouvé beaucoup de monde de connaissance, des gens de mon monde ; on cause dans la rue quand on se rencontre.

Contrairement à la plupart des pays d’eaux, l’embêtante petite ville où je suis présentement contient peu de cocottes. Elles attendent pour accourir la venue de l’Empereur ; voilà ce qui se dit du moins. Un bourgeois fort aimable m’a appris qu’il s’était fondé, depuis l’année dernière, une nouvelle maison de prostitution, et même il a poussé l’obligeance jusqu’à m’en donner l’adresse. Mais je n’y ai pas été ; je ne suis plus assez gai ou assez jeune pour adorer la Vénus populaire. Le besoin d’idéal est une preuve de décadence, on a beau dire !

Je m’étonne de ce que vous a conté sur moi ce bon Chennevières ; je ne me souviens pas d’avoir été si drôle.

À quelle époque allez-vous quitter Rouen ? Où logerez-vous ? À propos de votre dernier voyage à Paris, ce n’est pas gentil de ne m’avoir point prévenu. J’aurais été vous voir. J’ai gardé un souvenir exquis de deux entrevues là-bas, l’une à votre hôtel, l’autre chez moi. Vous en souvenez-vous, chère amie ? Il me semble qu’il y a eu, ces deux fois-là, quelque chose de plus intime que les autres.

Je serai à Croisset vers le milieu du mois prochain.

Mes compagnes vous envoient mille choses aimables.

Et moi, je vous serre les deux mains et je vous baise sur les deux côtés de votre joli col.

À vous.

Hôtel Britannique.