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CORRESPONDANCE

764. À MICHELET.
Croisset, mardi [début d’octobre 1863].
Mon cher maître,

J’ai reçu votre cadeau[1] avant-hier, et (comme les précédents) je l’ai dévoré de suite, tout d’une haleine.

Éblouissement et enchantement, telle est la première impression.

On vous retrouve là entièrement, avec toutes vos grâces et toute votre force ; j’admire (plus qu’un autre, et en homme du métier) cet art qui se dissimule sous une simplicité apparente, ce relief des images saillissant par un mot, quantité d’horizons qui se déploient entre les paragraphes, ce don de faire vivre enfin, qui est la marque des élus en fait de style, votre secret à vous, votre qualité suprême.

Comme tout cela est clair, substantiel, amusant !

Jusqu’à présent je n’avais pas saisi les rapports intimes entre l’Espagne et la France, la différence essentielle de l’Angleterre, ni la physionomie de Dubois qui est, chez vous, toute neuve, il me semble, ni dans quelle mesure le régent était un drôle et sa fille une drôlesse.

Quant au système de Law, voilà la première fois que je le comprends, ce qui n’est pas de votre part un médiocre tour de force.

  1. Histoire de France au XVIIIe siècle : la Régence.