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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Je voudrais savoir si vous resterez à Paris quelques jours et le jour que vous y arriverez, parce que ta grand’mère s’y transporterait avec moi. Dans le cas contraire, je vous attendrai ici et ne m’en irai que quelques jours après, quand je t’aurai usé un peu les joues. J’ai besoin de passer à Paris un bon mois, au moins, à consulter des collections de journaux.


786. À ERNEST CHEVALIER.
[Croisset, 19 avril 1864.]

Je n’accepte pas tes tendres reproches, mon cher Ernest, bien qu’ils m’aient remué jusqu’au fond de l’âme. Nous avons beau ne nous voir qu’à de rares et courts intervalles, je pense à toi bien souvent, sois-en convaincu, et je te regrette, mon pauvre vieux ! À mesure que l’on vieillit et que le foyer se dépeuple, on se reporte vers les jours anciens, vers le temps de la jeunesse. Tu as été trop mêlé à la mienne, tu as trop fait partie de ma vie pendant longtemps, pour qu’il y ait jamais de ma part oubli ni froideur ! Jamais je ne vais à Rouen, chez mon frère, sans regarder la maison du père Mignot, dont je me rappelle encore tout l’intérieur et jusqu’aux devants de cheminée : Henri IV chez la Belle Gabrielle, un cheval qui ruait, etc. Quand Pâques revient, je songe à mes voyages aux Andelys, alors que nous fumions pipes sur pipes dans les ruines du Château-Gaillard, et que ton pauvre père nous versait du vin de Collioures et nous découpait des pâtés