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DE GUSTAVE FLAUBERT.

phe de M. Thiers. Cela me confirme dans le dégoût de ma patrie et la haine que je porte à ce Prud’homme. Est-il possible de parler de la religion et de la philosophie avec un laisser-aller plus idiot ! Je me propose, du reste, de l’arranger dans mon roman, quand j’en serai à la réaction qui a suivi les journées de juin. J’aurai (dans le second chapitre de ma troisième partie) un dîner où on exaltera son livre sur la propriété. Je travaille comme trente mille nègres, mon pauvre vieux, car je voudrais avoir fini ma seconde partie à la fin de janvier. Pour avoir terminé le tout au printemps de 69, de manière à publier dans deux ans d’ici, je n’ai pas huit jours à perdre ; tu vois la perspective. Il y a des jours, comme aujourd’hui, où je me sens moulu. J’ai peine à me tenir debout, et des suffocations intermittentes m’étouffent.

C’est jeudi dernier que j’ai eu 46 ans ; cela me fait faire des réflexions philosophiques ! En regardant en arrière, je ne vois pas que j’aie gaspillé ma vie, et qu’ai-je fait, miséricorde ! Il serait temps de pondre quelque chose de propre.

N’oublie pas d’étudier, pour moi, le coquin Orientalo-Occidental ; fourre dans ta mémoire quelques anecdotes idoines à mes désirs ; prends-moi des notes. Et ne t’abrutis pas dans les billards européens ! Repasse-toi une séance d’almées, et va voir les pyramides. Qui sait si tu retourneras jamais en Égypte ! Profite de l’occasion, crois-en un vieux plein d’expérience, et qui t’aime. Si tu y penses, rapporte-moi : 1o un flacon d’huile de santal, et 2o une ceinture de pantalon en filet ; songe que ton ami a la bedaine grosse. En fait de