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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1008. À LOUIS BONENFANT.
Croisset, jeudi [1868 ?]
Mon cher ami,

Je ne t’ai pas suffisamment remercié. Ta narration est de tout point excellente et me fournira de bons détails. Tu m’as rendu un vrai service en me l’envoyant.

Je remercie aussi ma petite cousine Émilie pour son vocabulaire nogentais et je reconnais cette attention par la plus noire ingratitude, car :

Je ne puis me soumettre à son désir, qui est de changer le nom du héros de mon roman. Tu dois te souvenir, cher ami, qu’il y a quatre ans je t’ai demandé s’il y avait encore à Nogent des personnes du nom de Moreau ? Tu m’as répondu qu’il n’y en avait pas, et tu m’as fourni plusieurs noms du pays que je pouvais employer sans inconvénient. Fort de tes renseignements je me suis embarqué naïvement. Il n’est plus temps pour moi de revenir là-dessus. Un nom propre est une chose extrêmement importante dans un roman, une chose capitale. On ne peut pas plus changer un personnage de nom que de peau. C’est vouloir blanchir un nègre.

Tant pis pour les Moreau qui existent à Nogent !

Ils n’auront pas d’ailleurs à se plaindre de moi. Car mon M. Moreau est un jeune homme très chic.